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10 octobre 2006

De l'art de jouer avec les mots

Petite information glissée au milieu de dizaines d'autres cette semaine : Ryanair, la compagnie aérienne Irlandaise Low-Cost, a entrepris une OPA (Offre Publique d'Achat) hostile envers son principal concurrent Aer Lingus, tout juste privatisée de frais... En gros, Ryanair veut prendre le pouvoir en rachetant le maximum d'action d'Aer Lingus. Bon, pourquoi pas... On est dans le monde merveilleux de la bourse, dans le monde fabuleux du libéralisme... Cette pratique est une pratique courante.

Ce qui est plus intéressant, c'est de noter l'emploi de l'adjectif "Hostile" à coté de l'abréviation OPA. En effet, il existe aussi des OPA "amicales"... L'emploi de ces adjectifs est loin, très loin, d'être anodine.

Dans 1984, de Georges Orwell, un gouvernement dictatorial, avec à sa tête le fameux Big Brother, tentait, en créant une nouvelle langue (appelée le Novlangue), de conditionner et de discipliner les individus. Le pouvoir des mots est bien plus important qu'on veut bien le croire de prime abord.

Ces vingt dernières années ont connu un changement radical au niveau linguistique. Des mots anodins sont devenus tabous, d'autres sont devenus politiquement corrects. Le terme "Arabe" par exemple, est un mot qui, aujourd'hui, porte en lui une nette connotation raciste à cause de l'émergence très nette du discours  d'extrême-droite (largement relégué par les médias). Aujourd'hui, on parle des "gens de couleur". De même, le monde du travail a connu des mutations de vocabulaire. On n'est plus un homme ou une femme de ménage, on devient un "technicien de surface" ; on n'est plus standardiste, mais "hôtesse d'accueil" ; on ne nous désigne plus comme "clochard", on nous nomme "Sans-Domicile fixe"...

Tout ça est propre et joyeux. Tout est dans l'emballage finalement. Et dans une société obsédée à ce point par la réussite, il ne peut en être autrement.

L'idéologie conservatrice a extrêmement bien saisi le pouvoir des mots. Afin d'asseoir ses idées, elle s'est donc emparée de tout un vocabulaire qu'elle a réussi à imposer jusque dans les milieux les plus progressistes, sans que ceux-ci aient vu venir quoi que ce soit.

Le mot Liberté est bien le premier mot auquel ils se sont attaqués, en créant le terme "Libéralisme". On retrouve cette même perversion de langage lorsque, en France, en 1984, on a vu apparaître l'école "Libre", qui n'est autre que l'école privée... Dans le même temps, les fameuses radios "libres" sont devenues de magnifiques radios privées qui fleurent bon la publicité.

Dans le milieu de l'entreprise, on retrouve aussi tout un tas de notions terribles, formidablement bien amenée : on "ouvre le capital d'une entreprise" au lieu de la privatiser ; on pratique le "dégraissage" et on fait un "plan social" au lieu de foutre à la porte des ouvriers ; on demande aux travailleurs d'être "flexibles" au lieu de leur dire qu'ils doivent tout accepter en fermant leur gueule...

Soyons clairs : vouloir habiller de sentiment des notions qui sont tout sauf humaines est un mensonge. Il faudrait peut-être que nous, qui combattons ces pratiques, apprenions aussi à reconquérir le langage.

Dans 1984, le slogan du pouvoir est le suivant : La guerre c'est la paix / La liberté c'est l'esclavage / L'ignorance c'est la force. Tout est dit...

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Commentaires
B
Une lecture : LQR La propagande du quotidien par Eric HAZAN...<br /> C'est tout à fait dans le sujet.<br /> <br /> @+
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