De l'art de réécrire l'histoire
Dans 1984, la terrifiante et fabuleuse utopie négative de George Orwell, le héros travaille pour le ministère de l'information. Il est chargé, chaque jour, de modifier des points de détails de l'Histoire, et de détruire toute preuve de l'existence de la version précédente. Quotidiennement, il reçoit, comme tous les employés du ministère, des consignes, qu'il doit appliquer à la lettre, ce qu'il fait, sans trop se poser de questions. Ainsi, son Gouvernement, avec à sa tête le fameux Big Brother, possède toujours une vision de l'Histoire qui va dans son sens, et peut donc contrôler les individus, puisqu'il contrôle leur passé.
On a commémoré, il y a deux jours, les attentats du 11 septembre 2001. Cette fois, les médias mondiaux ne nous ont pas asséné les mêmes images en boucles, mais, le jour même tout au moins, on a eu droit à cette information. En revanche, nulle part dans les médias français que j'ai aperçu, on n'a parlé du 11 septembre 1973. Pourtant, ce jour-là, un certain général Pinochet squattait le pouvoir au Chili, à la suite d'un sanglant coup d'état. Le bilan de son règne de 17 ans n'est pas très glorieux : plus de 3 000 morts et disparus, principalement dans les 5 premières années du régime, et plus de 27 000 torturés...
Loin de moi l'idée de comparer l'horreur, et de faire un Guiness book du nombre de morts. N'empêche que je ne peux pas ne pas y penser... Pourquoi est-ce que les attentats du 11 septembre ont pris le pas sur Pinochet ? Pourquoi est-ce que certains morts comptent plus que d'autres ? Pourquoi est-ce que, même mort, un être humain possède un poids différent selon son origine ?
Parce que, même si je pleure les morts du World Trade Center, cela ne m'empêche pas de penser au peuple Chilien. Mon esprit est assez vaste pour contenir plusieurs informations. Une souffrance est une souffrance, d'où qu'elle vienne. La commémoration est un devoir de mémoire, essentiel pour bâtir un monde plus juste. Ne nous cantonnons pas à la commémoration médiatique, qui ne s'intéressent aux événements que s'ils sont télévisuels et assortis d'images spectaculaires...