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8 février 2007

De l'art de prendre son temps

Août 2001. Maroc. Zagora.

C'était un jour de grande chaleur, comme tous les jours du mois d'Août dans cette région du monde. La fraîcheur, on ne la captait qu'à partir de 9 ou 10 heures du soir, et encore. Et on avait la paix jusqu'au  lever du soleil. Après... On attendait, parce qu'il n'y a rien à faire. Inutile de s'agiter, de lutter face à une chaleur contre laquelle on ne pouvait rien. On apprenait à attendre.

Ce jour-là, on avait été invités à dîner chez nous. On louait une maison à un marocain, prénommé Youssef. Il avait décidé de nous faire à manger. A seize ou dix-sept heures, il a débarqué avec Hamou, l'un de ses amis. Autant Youssef est grand et svelte, autant Hamou est rond. Ils sont arrivés avec tout plein de fruits et de légumes.

Hamou s'était noué un turban autour de la tête, et portait un tricot de corps. On avait beau être au Maroc, plus je le regardais couper les légumes, plus je voyais un grand maître Zen japonais, grand ordonnateur d'un plat mystérieux. La scène aurait mérité de figurer dans un Takeshi Kitano. Les épluchures étaient soigneusement entassées. A l'opposé tronaient les légumes coupés. C'était impressionnant de couleurs. L'ensemble se déroulait sur une immense bâche, à terre.

C'était une véritable cérémonie, une ode à la cuisine. Combien cela a-t-il duré ? Au moins deux heures, certainement plus.

Etrangement, je ne me souviens plus trop du plat final que nous avons dégusté, comme si cela avait eu moins d'importance que toute la préparation qui avait précédée. Le but avait moins d'importance que le chemin parcouru. Je sais tout de même qu'on s'était régalés, à manger sur la terrasse, avec la voute étoilée comme plafond.

Après le plat principal, en revanche, je me souviens très bien de ce qui s'est passé. Youssef et Hamou ont amené des fruits pour faire une salade de fruits. L'idée était grandiose. Mes papilles s'excitaient déjà en imaginant les bananes, les oranges et les pommes mélées. Cela commença comme le rituel d'avant. Les fruits furent méticuleusement épluchés, tranchés, découpés. A la fin, cela donnait un délicieux et appétissant dessert. Hamou décida alors de mettre la touche finale.

Il déboucha une bouteille de Fanta orange d'un litre, et la versa directement sur les fruits... Aucun d'entre nous n'a bronché, mais on a tous pensé la même chose. Personnellement, je n'ai rien contre le Fanta. Il m'arrive même d'en boire. Mais, là, aux portes du désert, au coeur du Maroc, non, ça jurait... Bien sûr, on en mangea tous, et le résultat n'était pas répugnant... Simplement, quelque chose était rompu. Cela paraissait idiot, mais c'était le cas.

En politique, ce qui devrait compter le plus, ce ne devrait pas être seulement le résultat, mais aussi tout le chemin qu'il faut parcourir pour arriver au résultat escompté. Si on tient à arriver à une véritable avancée, cela va demander du temps, de la préparation, de la réflexion et des ingredients précis. Et on reconnaît les véritables avancées politiques au fait qu'on oublierait presque que des gens se sont battus pour obtenir ce qui nous paraît tout naturel : le droit de vote, les congés payés, l'abolition de la peine de mort, la sécurité sociale, la contraception, la possibilité d'avoir accès à l'avortement... Tout ça a été le fruit d'un vrai travail de fond.

Quand je jette un oeil sur notre campagne présidentielle, en France, je ne peux m'empêcher de repenser à ma salade de fruits au Fanta. Il est certain qu'on a moins attendu que pour le plat principal. Cela a été rapide... mais décevant, et en total décalage par rapport à nos attentes.

En ce moment, je voudrais que les princes qui nous gouvernent (et les princes qui y aspirent) soient de grands cuisiniers. Et plus je les regarde, avec leurs réponses toutes faites, plus j'ai l'impression d'avoir affaire à des gens qui ne savent qu'enfourner des surgelés dans un micro-onde...

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Commentaires
D
Et si c'était aux français de sélectionner les ingrédients, choisir les fruits, les légumes, la matière qui peut servir à élaborer le plat qui stimulera nos papilles ? Il n'y aurait plus qu'à choisir le chef cuisinier qui saura accomoder les recommandations des uns et les attentes des autres. De la cuisine participative ? Dans l'espoir que l'on n'obtienne pas un gloubi boulga...
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