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5 juin 2006

De l'art de suivre la meute

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En 1943, William A. Wellman tournait un western assez incroyable. Nous sommes dans l'Ouest des Etats-Unis, au fin fond d'une petite ville. Un meurtre a eu lieu. On semble avoir repéré les coupables. On cherche des volontaires pour aller les capturer. Ils ont quelques heures de cheval d'avance. Pas grand chose. Très vite, on se rassemble et on part à la chasse aux criminels. La majorité est persuadé de la culpabilité du groupe qu'on pourchasse. Les suspects sont vite rattrapés. Et là, pas question de s'embarrasser d'une justice quelconque. Seuls Henry Fonda (un étranger de passage), un pasteur noir et un vieux sage vont tenter de contrer le lynchage qui se prépare.

Tourné en plein effort de guerre, le film fut plutôt mal accueilli aux Etats-Unis à l'époque. On est loin d'un quelconque patriotisme, et les héros de l'Ouest mythique sont plutôt mis à mal. Le film montre en effet à quel point l'effet de masse peut avoir comme conséquence sur notre comportement, et combien la foule peut être stupide et aveugle.

Lorsqu'on arpente les salles obscures du festival de Cannes, on est forcément confronté à de mauvais films. Il n'est pas rare, alors, que l'oeuvre d'un réalisateur soit copieusement huée ou sifflée.

Mais quel plaisir pervers y a-t-il à humilier un individu ?

Un film représente un certain nombre d'heures de travail. Si l'on exclut la grosse machine industrielle cinématographique (Hollywood, Bollywood...), on peut tout de même postuler sur la sincérité d'un réalisateur. Je vois mal, en effet, un réalisateur faire, de manière consciente, un très mauvais film. Pour lui, il a essayé de faire du mieux qu'il a pu. Peut-être que ce n'est pas réussi à nos yeux... Cela justifie-t-il le fait de l'humilier collectivement ?

Faisons preuve d'ampathie un instant. Imaginons-nous avoir fait un travail, qui nous a occupé, disons quelques mois, à plein temps. Imaginons-nous maintenant être hué par une salle de 350 personnes. Seul contre tous, durant, disons, dix ou vingt secondes. Dans quel état serions-nous ?

On peut ne pas apprécier le travail de quelqu'un. Mais devons-nous le traîner dans la boue pour autant, sous le prétexte que ce travail ne plaît pas à une majorité ? Ne peut-on pas se taire, et sortir discrètement ?

Une foule peut être meurtrière et dévastatrice. Tous les dictateurs se sont toujours appuyés sur cette entité impitoyable. Une foule n'est qu'un amas d'instincts primaires. Et la Raison n'est souvent que l'apanage de quelques individus isolés. C'est un peu la morale du film de Wellman.

Va falloir que je fasse attention dans les mots que j'emploie dans mes critiques cinéma, à partir de maintenant...

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