de l'art de dépolitiser les individus

Pouvoir exprimer sa colère de manière pacifique est un acte terriblement important au sein même d'une démocratie. C'est même le signe premier de la bonne santé d'une démocratie. A partir du moment où on sombre dans la violence au nom d'une idée, quelle qu'elle soit, est un régression. C'est malheureusement le cas lorsque des individus vivent dans une dictature, ou, tout au moins dans un système qui ne laisse d'autres recours que cette expression.

La manifestation est, en cela, un acte d'une grande importance. Manifester pacifiquement, c'est à la fois une preuve de courage, de détermination, de civisme, d'implication politique à la vie de la nation et d'intelligence. Dans un certain nombre de pays, aujourd'hui, c'est malheureusement impossible.

En France, on a encore cette chance de pouvoir exprimer son désaccord de cette manière-là. On ne peut nier les apports sociaux qu'ont entraînées les manifestations et les grèves, malgré ce que veulent bien nous affirmer les princes qui nous gouvernent et les grincheux qui hurlent à la prise d'otage dès qu'ils ne peuvent pas arriver à l'heure à leur travail en raison de mouvements populaires.

Il est toujours intéressant de constater que le milieu, hautement conservateur, de la publicité a horreur de tout ce qui peut ressembler, de près ou de loin, à de la désobéissance civique. C'est ainsi que, régulièrement, on a droit à des campagnes qui ont pour but de décrédibiliser les actes politiques en général, et les manifestations et grèves, en particulier. Ridiculiser les contestataires, quand on a le pouvoir et les moyens, est toujours tentant.

Voici deux affiches. La première date de 2005. La seconde est sortie cette semaine.

On peut noter, dans les deux cas, qu'on utilise l'humour. Ainsi, critiquer ces affiches revient à être un pisse-froid complètement aigri, qui voit le mal partout. On peut aussi relever la futilité des revendications : dans un cas, un rouleau de papier hygiénique veut un emploi, dans l'autre des créatures veulent libérer les cils féminins et leur donner du volume...

Pourtant, en allant un peu plus loin, on peut être frappé par les messages sous-entendus : la publicité pour Dulcorax se moque de celui qui veut du travail. On considère ce dernier comme un "emmerdeur" qui manifeste, qui fait "chier son monde" et qui n'a pas plus de valeur qu'un rouleau pour s'essuyer. La publicité pour Bourgeois, elle, montre bien qu'il existe des sujets plus essentiels que les acquis sociaux, particulièrement pour la femme, qui se mobilise avant tout pour sa beauté.

Une fois de plus, voilà le vrai visage de la publicité, qui reprend les poncifs les plus éculés, les plus réactionnaires, pour flatter la majorité, la masse des consommateurs, à qui on veut faire croire que le bonheur est au bout d'une carte bleue et d'un crédit à la consommation... Bien triste tout ça...

Comments

[Alainx]

Le role éminent de la publicité est de tenter de faire de nous des imbéciles.

Normal, le publicitaire était pas essence con ne peut produire que ce qui lui ressemble.