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8 juin 2010

De l'art de chier joyeusement sur la liberté

Il est toujours intéressant de remonter un peu le temps pour s'apercevoir que l'art publicitaire exploite toujours les mêmes ficelles au fil des années... Démonstration aujourd'hui avec un spot pour Audi, sorti en 2003 / 2004.


Que voit-on dans ce spot ?
Un homme, encore jeune, craque et décide de tout envoyer balader. Il envoie donc tout le contenu de son bureau à terre et fait sursauter ses collègues de l'open space. Il descend ensuite dans le hall, se débarrasse de sa cravate, sort dans la rue, jette son attaché case dans une poubelle, quitte sa veste, se baigne dans une fontaine. C'est alors que la voiture surgit. L'homme voit la voiture et retourne à son bureau, tout trempé. Au passage, il récupère sa cravate...

Un peu d'analyse que diable !
Il faut d'abord bien comprendre que le monde de la publicité est un monde bipolaire où le manichéisme règne en maître. La psychologie des personnages se résume sur une feuille de papier à cigarette. Inutile de s'encombrer de subtilité. On est ici pour vendre, point final. Si le spot est joli, tant mieux, mais il est là pour amener les personnes à la consommation.

Il faut ensuite retenir que le système libéraliste, que reflète parfaitement la publicité, déteste la contradiction, les solutions alternatives et tout autre système qui ne tourne pas autour des valeurs de l'argent. Ainsi, la publicité n'hésite jamais à humilier ses détracteurs, à simplifier leurs pensées et leur réflexion et à les récupérer, en les faisant passer pour des chantres du libéralisme (c'est ainsi que l'image du pacifiste Gandhi s'est souvent retrouvée associée à des marques comme Club Internet, par exemple).

Maintenant que tout cela est dit, on peut décortiquer un peu notre spot.
Dans ce film s'opposent deux mondes : le monde de l'enfance et le monde des adultes. L'enfance est représenté par notre homme. L'adulte est représenté par tout le reste (les collègues, les immeubles, la ville...).
Cette construction bipolaire peut aussi s'exprimer ainsi : l'homme représente le rêve, le reste du monde la réalité.
A partir de là, on peut mieux saisir le message de notre publicité : notre homme a un comportement puéril. Alors bien sûr cinq minutes c'est amusant, mais il faut toujours savoir rentrer dans le rang, et c'est un peu la morale de tout ça. On pourrait, bien sûr, pour une fois approuver le message. Après tout, sans pour autant rentrer dans le rang, il faut savoir de temps en temps accepter la réalité des choses. Certes...
Sauf qu'ici, notre homme se rend compte de sa bêtise uniquement lorsqu'il voit la voiture (au ralenti s'il-vous-plait). La réalité proposée ici est une réalité consommatrice, et c'est elle qui fait battre notre cœur (la musique s'arrête, les pulsations s'entendent soudain)... Voilà la réalité qu'il faut approuver. Seule la société de consommation compte. Tout le reste (le plaisir, la liberté...) est une utopie pour doux rêveur...

Le slogan, d'ailleurs, est fascinant : "Nouvelle Audi A3. Avez-vous vraiment le choix ?". Posé sous forme de question rhétorique (question dont on a déjà la réponse), il affirme qu'il n'y a plus rien à faire, que toutes les utopies sont mortes, et nous nous devons donc d'accepter la société de consommation.

Et la musique ? Vous la connaissez ? Parce qu'elle aussi n'a certainement pas été choisie au hasard...
Il s'agit de "Just dropped it" de Mickey Newbury, une chanson de 1967, qui a d'abord été enregistrée par Jerry Lee Lewis avant d'être finalement chantée par Kenny Rogers. Mais que raconte donc cette jolie chanson hippie ? Elle parle d'un bad trip sous LSD et tente d'avertir des dangers de cette drogue...
Ainsi, et de manière bien insidieuse, la musique, dans le contexte de la publicité, tente elle aussi de décrédibiliser la liberté de cet homme en sous-entendant nettement qu'il n'est qu'un drogué qui divague (d'où sa volonté d'aller se baigner dans une fontaine) et que la cure de désintox passe obligatoirement par la société de consommation...
Voilà, voilà...

Alors, quand est-ce qu'on recouvre ces créatifs de goudron et de plumes ?...

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