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22 mai 2010

De l'art de créer des comparaisons foireuses

Dès la Grèce Ancienne, on avait compris que la maîtrise du langage, la rhétorique, permettait d'amener nos contradicteurs potentiels à se ranger à notre avis, de prendre le pouvoir et accessoirement de manipuler les masses afin de mieux les faire agir dans le sens qu'on désirait.

Mais, à la différence de la simple argumentation, la rhétorique use, et parfois abuse, d'effets pathétiques (qui visent à émouvoir le public) ou éthiques (qui visent à moraliser le public)
Aussi, nos amis rhétoriciens avaient mis au point tout un catalogue de tournures ornementales afin de bien dire ce qu'on voulait exprimer.
Ces techniques s'appellent des figures de rhétoriques ou figures de style.
Parmi elles, on trouve la comparaison.
La comparaison consiste à mettre à égalité un objet au sens large du terme (ça peut-être un être vivant ou une chose) avec un autre objet auquel il nous fait penser.
Nos amis publicitaires, friands de toutes les techniques de manipulation, ont bien vite vu toute l'utilité de ces figures de style, comme le montre une campagne récente pour un réparateur d'Iphone sur la belle ville de Nice...

PHOT0237Que voit-on sur cette merveille de création ?
Un homme, les cheveux gris, hirsute, la barbe foisonnante, en plan rapproché, nous fixe. Il tient dans sa main droite un Iphone, dont la vitre est cassée. Son teint est blanchâtre, comme s'il n'avait pas vu le soleil depuis un petit moment. Il semble hébété et désemparé.
Un slogan, à l'impératif présent, nous ordonne de faire quelque chose, avant de nous indiquer, dans un encart en rouge, la solution : un centre de réparation !

Une question se pose alors très vite : quel est le rapport entre l'aspect physique de notre homme et celui de son portable ? Facile. Les deux sont brisés (première comparaison avec jeu de mots entre le propre et le figuré) ! Mais si on imagine aisément la cause des dégâts du portable (chute, heurt...), la raison de la souffrance de l'homme nous amène à différentes conclusions :
1- L'homme est brisé parce qu'il ne possède plus l'objet essentiel de sa vie, qu'il expose au premier plan, alors que lui-même n'est qu'au deuxième plan. Les couleurs n'existent plus pour lui. Sans portable, la vie est terne, d'où l'absence de couleurs sur l'affiche (deuxième comparaison). Pour lui, son portable est un ami qu'il a pleinement personnalisé, puisqu'il emploie un verbe qu'on utilise normalement pour un être vivant (troisième comparaison)...
2- Une autre explication, à ce stade de l'analyse, peut faire surface. Et si l'impact sur la vitre du portable était un impact de balle (le rouge de l'encart en haut à gauche et de l'adresse en bas symboliserait alors la violence et le sang) ? Et si l'homme n'était autre qu'un otage ? En effet, il ne faut pas oublier qu'en ce moment, l'actualité nous a fourni au moins deux exemples (Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, journalistes à France 3, toujours retenus en Afghanistan, depuis le 30 décembre dernier / Clotilde Reiss, universitaire, tout juste revenue d'Iran) sans compter celui d'Ingrid Betancourt (délivrée en 2008 après 6 ans de captivité). Or, la publicité préfère recycler qu'inventer... Et elle n'a pas oublié non plus cette fameuse, et fumeuse, phrase-cliché, très à la mode depuis quelques années, et qu'on nous ressort dès qu'une grève pointe son nez, avec les pôôôvres usagers "pris en otage". Il n'en fallait pas plus pour les concepteurs niais de cette campagne idiote pour créer cette nouvelle comparaison. Et sous couvert d'humour imbécile, leur cerveau spongieux a conçu le visuel en deux deux...
Et c'est ainsi qu'on se retrouve avec le message suivant en pointillés : nous sommes tous les otages de nos portables. Ils sont plus importants que nous, et nous nous devons de les vénérer. Ce sont des êtres à part entière dont la vie palpite entre nos mains... Sans eux, nous sommes à l'image de cet homme sur l'affiche, à savoir des hommes de Cro-Magnons.

Une fois de plus, le cynisme de la publicité est incroyable. Sous couvert d'amusement, elle nous méprise profondément, souhaitant voir en nous de gentils consommateurs obéissants...
Après ça, étonnez-vous que j'ai des envies de coups de pelle en travers de la figure de nos amis publicitaires...

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