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29 août 2008

Petite histoire de science-fiction

Nous sommes dans un futur proche. Une star internationale de la chanson se prépare à entrer en scène. Tout est prêt. Les spots sont branchés, les balances impeccables, les chorégraphes sont échauffés, les décors sont grandioses. Le canon à paillettes est chargé pour le final. On a engagé des pyrotechniciens par centaines pour un feu d'artifice gigantesque. Est prévu aussi un galion espagnol qui traversera la scène au milieu du concert, des trapézistes, des tigres, le tout sur fond de statue cyclopéenne et articulée de Bouddha.

ça y est. C'est l'heure. La star avale un grand verre d'eau (jamais d'alcool avant un spectacle), sniffe un rail de coke light (jamais de coke non coupée avant un spectacle) et se jette au milieu d'une avalanche de lumière en hurlant un gigantesque "bonsoir" retransmis par les maxi super baffles géantes qui siègent près des deux écrans titanesques.

Et là, on entend quelques pauvres applaudissements... Parce qu'au milieu de ce stade immense se trouve une dizaine de personnes, qui se sont, du coup, rapprochées de la scène... La star reste estomaquée, sans voix, déconfite. Le concert est un échec. Personne n'est venu.

Pourtant, la star est adulée mondialement, et possède, elle en est sûre, aux quatre coins du globe, des millions de fans prêts à tout pour elle... Mais alors... Que s'est-il passé ? Simplement que les dizaines de milliers de fans prévus ce soir-là n'ont pas fait le déplacement, parce qu'ils veulent juste envoyer un message clair à leur idole de toujours. Et ce message est simple : le concert est trop cher.

Science fiction, quand tu nous tiens...

Avant-hier, à Nice, Mamie Madonna entamait sa titanesque tournée mondiale. 49000 personnes ont déboursé, en moyenne, entre 60 et 80 euros pour voir leur déesse bien aimée. Je dis bien en moyenne, parce que les places les plus chères plafonnaient à presque 190 euros (le plus troublant, c'est qu'il s'agissait des places les plus éloignées... Allez comprendre...). Pourtant ça n'a pas découragé les fans, qui ont l'air, finalement, d'accepter très facilement ce système ultra libéraliste de sélection par le fric. Parce que la Madone daigne accorder trois dates en France : une à Nice, deux à Paris. Et tant pis s'il existe d'autres fans ailleurs, tant pis s'ils doivent prendre l'autoroute, payer des péages, des hôtels, des restaurants voire s'endetter pour la voir. Elle s'en fout. On ne discute pas les conditions des divinités...

Je ne sais pas à qui j'en veux le plus. A ces fans qui sont prêts à débourser n'importe quelle somme pour avoir leur dose de dope musicale, et qui entretiennent ainsi un système d'exclusion qui ne va qu'en s'amplifiant, ou bien aux organisateurs de ces concerts, parfaitement conscients de ce qu'ils font et qui font monter les enchères, ou encore à ces stars, avides de toujours plus de fric.

Et je ne peux m'empêcher, au regard de tout ça, de repenser à "Acide Sulfurique" d'Amélie Nothomb, où une jeune fille, prénommée Pannonique, prisonnière dans une émission de télé-réalité qui retient les candidats dans un camp de concentration, débat avec ses codétenus à propos de la responsabilité du public face à la bêtise télévisuelle :

"- [la] scélératesse [des politiques] est autorisée et donc créée par les spectateurs, dit Pannonique. Les politiques sont l'émanation du public. Quant aux organisateurs, ce sont des requins qui se contentent de se glisser là où il y a des failles, c'est-à-dire là où il existe un marché qui leur rapporte. Les spectateurs sont coupables de former un marché qui leur rapporte.

-Ne pensez-vous pas que ce sont les organisateurs qui créent le marché, comme le publicitaire crée le besoin ?

- Non. L'ultime responsabilité revient à celui qui accepte de voir un spectacle aussi facile à refuser."

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