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21 juillet 2007

Petite nouvelle

Voici une petite nouvelle, que j'ai déjà publié sur ce blogue, il y a un an ou deux (je ne sais plus trop...), mais qui a été retravaillée depuis, en vue d'un concours de nouvelles pour un quotidien national. Elle n'a pas été retenue, mais, bon, on en peut pas en vouloir aux gens de ne pas reconnaître un génie littéraire (modestie, quand tu nous tiens !)... En tout cas, la voici, parce que je la trouve tout de même bien...

Paradis

ORESTE (…) La nature a horreur de l’homme et toi, toi, souverain des Dieux, toi aussi tu as les hommes en horreur JUPITER Tu ne mens pas : quand ils te ressemblent, je les hais.

JEAN-PAUL SARTRE, Les Mouches

Il s'est passé quelque chose de terrible. Un événement plus marquant encore, d'un certain point de vue, que la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki.

Tout a commencé début mai, à K…, en Bretagne. C'était un jour d'élection. Vers dix heures, le Maire et son épouse sont allés voter. Mais, lorsqu'ils ont atteint le bureau, situé à l'école maternelle, ils ont eu la surprise de constater que les lieux étaient déserts. Tout était en place – les urnes, les isoloirs, les bulletins - mais il n'y avait personne. Croyant à une mauvaise blague, ils ont attendu. Et ils se sont impatientés. Alors, ils ont décidé d'aller prendre un café au bar du coin. En arrivant devant l’établissement, ils se sont rendus compte qu’il était fermé. Et ils ont pris conscience du silence des lieux.

Le village était sans vie.

Ils ont immédiatement téléphoné à la gendarmerie du village voisin. Les gendarmes ont débarqué à K... et une enquête a été ouverte. Après avoir pénétré dans plusieurs maisons, les agents de la force publique étaient perplexes : tout avait été laissé en l'état, comme si la population s'était volatilisée dans la nuit et avait tout abandonné derrière elle.

C'est un promeneur qui a levé le voile sur la disparition des habitants de K... et qui a plongé du même coup les enquêteurs dans des abîmes d'incompréhension : sur une falaise, tous les villageois étaient assis en tailleur, les yeux dans le vague, le regard vide. Il ne servait à rien de leur parler. Ils ne semblaient rien entendre, n’avaient aucune réaction. On a appelé une équipe de médecins et transféré certains sujets à l'hôpital pour faire des analyses et tenter un traitement. Cela n’a rien changé. La catalepsie était totale. La santé de ces gens était parfaite. On notait toutefois un ralentissement de leurs fonctions vitales. Leur respiration était tranquille et leur pouls se situait autour de trente pulsations par minute.

On n’a trouvé aucune trace de drogue ou d’une quelconque substance chimique. Les médias se sont emparés de l'événement et des curieux ont afflué de toute part pour admirer ces gens, inertes, face à l'océan, qui communiaient dans un mutisme absolu. Les hôtels de la région ont très vite affiché complet, les restaurants n’ont pas désempli. Ce fait divers était une bénédiction pour le commerce local. Seules les familles des villageois de K... ont éprouvé du chagrin. Au bout de quelques semaines, l'enthousiasme est retombé. Et on est passé à autre chose.

On a peut-être eu tort de prendre le phénomène à la légère parce que l’incident s’est reproduit dans quatre villages de l'Hexagone en plein mois d'août : le même jour, sensiblement à la même heure, on a retrouvé l'intégralité des habitants en dehors de la cité, au milieu des prairies ou des champs, assis en tailleur. Ils étaient dans le même état que ceux de K... La peur s'est soudain emparée des Français.

Cette fois, le gouvernement a interdit à quiconque d'approcher les sites par crainte d'une possible contamination et a déployé d'impressionnants cordons de policiers et de CRS. Des équipes de chercheurs ont été détachées pour étudier la qualité de l'eau, de l'air et de l'alimentation. Le mot « épidémie » était maintenant prononcé.

Certaines personnes ont émis des parallèles avec le 11 septembre 2001 et ont déduit que des terroristes étaient à l’origine d’une monstrueuse bactérie. Cette thèse fumeuse a fait son chemin dans quelques esprits pervers et retors, trop heureux d'expliquer l'inexplicable en désignant des boucs émissaires. Et ces belles théories se sont amplifiées lorsqu'on s'est aperçus avec horreur, au début du mois de septembre, que divers points du globe étaient touchés : deux villes en Chine, trois en Afghanistan, six au Brésil, une au Canada, cinq aux Etats-Unis, deux en Inde.

L'O.N.U. s’est réunie de toute urgence pour tenter d’éradiquer le problème. Et tandis que les gouvernements se regroupaient, le phénomène a rapidement pris de l'ampleur. Toutes les heures, on a appris qu'ici ou là, des gens succombaient à cette mystérieuse maladie.

Cette période de crise a eu bien entendu des conséquences désastreuses pour l'économie mondiale. En quelques semaines, le monde a dû gérer une immense vague de criminalité. Des villages abandonnés ont été pillés et brûlés. Les actes de vandalisme se sont multipliés. La police et les pompiers ont très vite été débordés. Les tribunaux n’ont plus eu aucun pouvoir. La loi martiale a été appliquée.

L'explosion sociale et le chaos ont pris, mine de rien, les commandes du monde.

Les débats à l'O.N.U. ont succédé aux débats, mais on ne trouvait aucune solution. Les analyses des experts ne donnaient absolument rien. On n’avait aucune piste. Il a fallu attendre le mois de novembre pour qu’un éminent médecin français intervienne et bouleverse les idées reçues.

Son fils avait été infecté le 12 août. Le médecin et sa femme, bouleversés, avaient réussi  - grâce à plusieurs appuis politiques dont il préférait taire le nom - à le recueillir chez eux pour tenter de le soigner. En vain. Mais, à force de l'observer, ils avaient fini par élaborer une théorie : leur fils n'avait pas l'air malheureux. On pouvait même dire qu'il semblait calme et détendu. Et quand le médecin le regardait  pendant une dizaine de minutes d'affilée, il ressentait un immense bien-être l'envahir. Pour lui, cet état cataleptique n'avait donc rien d'un fléau car il ne tuait personne. On assistait au contraire à une évolution spectaculaire de l'espèce humaine,  à une sorte de mutation accélérée : l'homme devenait spirituel. Et chaque Contemplateur - c'est ainsi qu'il nommait les gens touchés par le phénomène - était une sorte d'élu. Il ne fallait pas craindre la Contemplation. Il fallait, au contraire, l'espérer. Quelques jours après cette déclaration, relayée par toutes les télévisions du monde, on a remarqué une baisse étonnante de la violence. Dans le même temps, l’argent, qui n’intéressait plus grand monde, s’est dévalué et n’a plus eu cours.

Depuis, on accueille avec une immense joie les nouvelles conversions à la Contemplation. Et chaque jour apporte son lot de bonheur.

Journal d’Étienne Lenoir

12 juillet 2008

« (…) Aujourd'hui, où qu'on aille, on rencontre des peuplades de Contemplateurs. Ma femme, ma fille et mes parents, en font partie. On était en visite chez eux en Creuse. Je suis allé un matin faire des courses dans le village d’à coté. Quand je suis rentré, tout le monde était en train de Contempler. Ça s’est passé en janvier. La télévision et la radio nationales n'émettent plus depuis une semaine. Paris a dû être touché. J’attends avec patience de pouvoir Contempler, comme ils l’ont dit. Je voudrais vite pouvoir rejoindre Judith et Agathe.

Mais, pourtant, une idée me taraude. Et si tout ça n’était tout sauf une bénédiction ? Et s’il y avait une autre explication ? Et si Celui ou Celle qui s'occupait de nous jusqu'à présent – Dieu, la nature ou une puissance quelconque ? - avait fini par renoncer et nous avait simplement abandonnés. Et si nous n’étions à Ses yeux qu’un simple jouet dont il aurait fallu retirer les piles ? »

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Commentaires
E
No problemo mon Baptiste. rappelle-moi tes coordonnées par le mail de ce blogue.
B
Salut esteban,<br /> On arrive dans le sud à la fin de la semaine. laisse moi un un petit mot ou un coup de fil pour qu'on arrive a se faire une bouffe ou à boire un verre...<br /> Bapt
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