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Mes humeurs à moi
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30 avril 2007

Chroniques de campagne

La part de l'autre d'Eric-Emmanuel Schmitt est un livre essentiel et beau. Il part de la question suivante : Et si Adolf Hitler avait été admis à l'École des Beaux-arts de Vienne le 8 octobre 1908 ? A partir de là se déroulent deux histoires en parallèle : la première, l'histoire d'Hitler, le dictateur implacable et monstrueux qu'on a connu ; la seconde, l'histoire d'Adolf H., personnage uchronique inventé, qui s'humanise et connaît un tout autre destin qui change la face du monde. Chaque histoire se déroule sur quelques lignes ou quelques pages.

Au delà de l'idée passionnante de comprendre que certains de nos choix peuvent radicalement changer nos vies (le tout est de les repérer, voire de les anticiper...), ce livre nous permet aussi de nous pencher sur notre propre monstruosité. Parce qu'Hitler n'était pas autre chose qu'un de nos frères humains. Il est effectivement dangereux de ne voir en lui qu'un monstre, très loin de l'humaine condition. Nous avons tous en nous un Hitler potentiel qui ne demande qu'à sortir et à se manifester. C'est à nous de le domestiquer, de le calmer et d'apprendre à pactiser avec lui.

S'inspirant donc de la vraie biographie d'Hitler, Schmitt nous relate toute l'ascension puis la décadence du dictateur. A quelques jours de sa mort, voici ce que l'auteur nous raconte :

Lorsqu'on vint annoncer à Hitler les effrayantes conclusions de la conférence de Yalta où Churchill, Roosevelt et Staline avaient annoncé quel traitement subirait l'Allemagne après sa chute, il accueillit la nouvelle avec un calme qui glaça son entourage.

- Voyez, je vous l'avais dit.

- Mais mon Fürher, ce sera horrible : le pays divisé et démilitarisé, le parti nazi interdit, l'industrie placée sous contrôle, des réparations à verser et un jugement pour les "criminels de guerre".

- C'est ce que je vous ai toujours dit : inutile de négocier. Il faut tenir, tenir jusqu'à les renverser. Ou bien tenir jusqu'à ce que nous disparaissions.

- La population demande un armistice rapide.

- Ne tenez aucun compte  de la population. Elle est faible et veut s'économiser. Est-ce que moi, je m'économise ? Je me battrai jusqu'au bout et quand je ne pourrai plus, je me tirerai une balle dans la tête. C'est pourtant simple, non ?

Le premier tour de nos élections a eu lieu. On retrouve au second tour deux grands partis. Deux camps bien délimités. Conservateurs et progressistes. Ce sont vers ces deux-là, et vers un centriste, que les voix se sont massivement portées, afin d'effacer à jamais l'humiliation des résultats de 2002. Les neuf autres candidats ont donc trinqué, à plus ou moins grande échelle, à commencer par cette insupportable extrême droite dont on ne sait plus que faire désormais.

L'extrême droite a réuni trois millions neuf cent mille électeurs. C'est moins qu'en 2002, où elle avait séduit 4,4 millions d'électeurs. Un recul donc. Et comme il y a eu plus de votants (16,32 % d'abstention contre le double en 2002), les chiffres en pourcentage du Front National ont chuté de manière draconienne...

Et on a vu le vieux leader d'extrême droite blessé à mort. Comment ne pas penser à la scène décrite par Schmitt ? Jean-Marie Le Pen, la voix pleine d'aigreur et de ressentiment, a voulu jouer la carte de l'humour, en disant qu'il s'était trompé, que les français semblaient très heureux de la situation catastrophique de la France. Et le surlendemain de dire que les français aimaient être "cocufiés" par le chef de la droite Nicolas Sarkozy et en avaient l'habitude.

Ce sont dans ces quelques rares moments que le masque lisse et propre de l'extrême droite tombe : Le Pen, en ces instants, montre toute sa haine profonde de la démocratie, ce système qui l'empêche d'accéder au pouvoir. Incapable d'une véritable remise en question, il considère que seuls les autres se trompent, et en l'occurrence, les autres, c'est ici le peuple français. Sa métaphore sexuelle (il emploie le verbe "cocufier" parce qu'il ne peut pas dire "enculer"... Mais tout le monde comprend son double langage)est d'ailleurs révélatrice : la politique est pour lui quelque chose de passionnel, de viril, qui est très éloigné d'une quelconque raison. On en est au stade "anal", à l'étape du plaisir immédiat.

Il serait très souhaitable que le futur prince qui nous gouvernera se penche aussi sur la question de l'existence de l'extrême droite. Le terreau qui l'alimente est toujours teinté de désespoir. Avoir un recul aujourd'hui ne signifie pas qu'on aura la paix pour toujours, mais juste qu'on a un léger répit. Profitons-en pour renforcer notre vigilance et combattre d'autant mieux ces idées.

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Commentaires
O
Le petit prince s'est nourri des votes du grand facho...Je ne pense qu'il fasse quoi que ce soit pour "diluer" l'extrême droite...
B
C'est dommage que tu n'ai pas poussé l'expérience jusqu'au bout l'autre jour au meeting du borgne. Je dis ça parce que je n'aurai moi non plus pas oser pousser la porte, mais aussi parce que je suis certain que tu aurais écrit un truc bien avec cette expérience. Courrage pour ces 6 derniers jours de liberté, ensuite seule la fraternité pourra nous aider à retrouvé l'égalité.<br /> A bientôt,<br /> Bapt
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