De l'art de recycler les idéologies
Dans le magnifique livre de Kressmann Taylor, Inconnu à cette adresse, Martin, pour justifier son adhésion au régime hitlérien et pour expliquer la bêtise des humanistes déclare ceci à Max, un ami juif : "Est-ce que le chirurgien qui enlève un cancer fait preuve de ce sentimentalisme niais ? Il taille dans le vif, sans états d'âme. Oui nous sommes cruels. La naissance est un acte brutal ; notre re-naissance l'est aussi. (...) Comment un rêveur comme toi pourrait-il comprendre la beauté d'une épée dégainée ?"
Lorsqu'un régime est brutal, quel que soit son degré de brutalité, il tente systématiquement de réduire au silence toutes les voix qui peuvent s'élever contre lui. S'il s'agit d'une dictature, les opposants sont éliminés, emprisonnés, persécutés. Dans nos démocraties occidentales, en revanche, c'est plus délicat. Alors, les princes qui nous gouvernent, et leurs acolytes, ont créé l'humiliation. A grand coup de mots, on fait comprendre à notre opposant, qu'il n'est qu'un ridicule utopiste.
Les mouvements hippies des années 70 ont été très importants. Qu'on y adhère ou pas, on ne peut nier qu'ils ont apporté une véritable révolution dans notre manière d'appréhender les choses. Ces mouvements ont déclenché de véritables réflexions politiques qui ont débouchées sur de vraies changements (libération de la femme, révolution sexuelle, antiracisme, nouvelle manière de voir l'éducation...). De plus, ce mouvement a aussi entraîné dans son sillage tout un courant artistique et culturel. Enfin, ce mouvement a été déterminant dans le désengagement états-uniens au Viet Nam.
Les beatniks avaient, en effet, une autre manière de voir la vie. On peut critiquer l'usage des psychotropes, des drogues et de l'alcool dans ces mouvements. N'empêche qu'ils avaient une autre manière de voir le monde. Un monde fait d'échange, de tolérance et de paix.
Les tenants de la société de consommation n'ont pas apprécié. La vengeance étant un plat qui se mange plutôt froid, ils ont attendu. Attendu que le temps s'écoule, que les modes passent, que les mémoires s'anesthésient et s'engourdissent. Ensuite, ils ont envoyé les requins de la publicité pour mettre en pièce ces idéologies dangereuses...
Aujourd'hui, le doux rêveur est devenu un être cynique et réaliste. La société de consommation est ce qu'on fait de meilleur comme système. Il faut donc s'adapter ou mourir. Le "Peace and Love" est dépassé. On est maintenant au "Price and Love". L'amour est synonyme d'argent, et l'idéologie beatnik est réduite à une coccinelle Volswagen aux couleurs idiotes et criardes. Sous couvert d'humour, on humilie joyeusement une génération d'individus. Quant à la démocratie, c'est une philosophie de bazar (Citysport n'est-il pas un "democratic shop" ?).
Soyons assurés les amis qu'en cas de dictature, les créatifs publicitaires ne seront jamais inquiétés par le pouvoir...