Le combat ordinaire, de Manu Larcenet
Je connaissais Manu Larcenet depuis un moment. J'avais été, dans ma folle et intrépide jeunesse (j'avais alors des cheveux longs, un chopper, des bagues plein les doigts, et une cape rouge vif... quelle époque...), abonné au magazine Fluide Glacial.
Et puis, un jour, il n'y a pas longtemps, on m'a offert le tome 1 du Combat Ordinaire. ça a été une grande claque, et une belle découverte.
C'est l'histoire de Manu, un photographe de guerre qui en a marre de photographier la guerre, justement, et qui veut passer à autre chose. Manu vit à la campagne, retiré. Autour de lui, gravitent son frère, ses parents, une bien jolie vétérinaire, et accessoirement son psy. Parce que Manu a fréquemment des crises d'angoisse. Parce que son procéssus créatif est en panne, parce qu'il doit faire face à la vieillesse de ses parents, parce que son père est atteint d'Alzheimer, parce que la communication avec son frère, ce n'est pas toujours ça...
Alors, on le suit, Manu, et on s'y attache. Manu, c'est un personnage pétri de doutes et de certitudes qu'il ne cesse de remettre en cause.
Manu, c'est aussi un double du dessinateur. Parce qu'il y a évidemment une part autobiographique dans tout ça. Et on entrevoit, à travers son personnage, toute la fragilité et toute la sensibilité de Larcenet.
Dans cette fiction, on sent qu'il se livre au creux de ses coups de crayon, et c'est extrêmement touchant. Loin d'être égocentrique, cette quasi autobiographie est passionnante à lire. Parce qu'on aborde des questions comme la mort, la vieillesse, ou le processus créatif.
Manu Larcenet a aussi l'avantage d'être quelqu'un de productif qui ne nous fait pas attendre trop longtemps. En trois ans, il a fait paraître trois albums de sa série. Et pourtant, malgré le peu de temps qui sépare la parution de chaque album, on peut être fasciné par l'évolution de son trait. Manu, le personnage, prend de la chair, de la force au fur et à mesure.
Les doutes de Larcenet sont alors manifestes au sein même de sa création, puisque son personnage change, tout comme nous. Manu est désespérément humain, ce qui le rend encore plus proche de nous.
Les traits changent, et pourtant, ce n'est pas choquant, on s'en aperçoit à peine, à la première lecture, tellement les trois albums sont liés et fluides.
"Le combat ordinaire", c'est donc le combat que l'on mène tous les jours, pour se lever, pour avoir la force de continuer, mais c'est aussi celui d'affirmer nos idées et nos convictions politiques.
Et une fois que vous aurez lu cette BD, il vous faudra vous plonger dans "Le retour à la terre", plus optimiste, plus drôle, mais tout aussi intéressant. Promis, je vous en parlerai une de ces prochaines fois...