De l'art de changer et d'évoluer

Dans les films qui m'ont profondément marqué, on trouve le film de Kenneth Branagh "Peter friends". C'est l'histoire de six amis, très liés à la fac, qui faisaient du théâtre ensemble. Et puis, dix ans ont passé. La vie s'est alors chargé d'eux : certains se sont mariés ensemble, d'autres se sont mariés tout court, d'autres enfin sont restés célibataires. L'un d'eux est parti à Hollywood, tandis que les autres sont restés en Angleterre. Enfin, certains ont eu des enfants, pas d'autres. Ils se sont en tout cas perdus un peu tous de vue. Et voilà qu'à la mort de son père, Peter hérite du domaine familial et décide d'organiser le réveillon de Noël avec tous ses anciens amis. Tout le monde se retrouve alors, avec plus ou moins de bonheur.

Le film alterne les scènes de pure comédie, avec les scènes plus dramatiques. La bande son reprend mille et un standards des années 80 ("Everybody wants to rule the world" de Tears for Fears, par exemple...). Et si certains personnages sont un peu caricaturaux (c'est surtout très vrai pour les personnages secondaires), le film propose une belle réflexion sur l'amitié et sur sa durée dans le temps.

Lorsque j'ai vu ce film, je traînais moi-même avec toute une bande d'amis. Je m'étais posé, déjà à l'époque, la question de la durée de notre amitié.

14 ans se sont écoulés, et la vie s'est chargé de nous. Aujourd'hui, on s'est tous un peu éloignés les uns des autres. Il ne reste que des photos de tous ces moments. Peut-être parce qu'on était pas tout à fait d'accord sur le fond, peut-être parce qu'il y a eu des bébés... Peut-être aussi parce qu'on a changé...

Et c'était aujourd'hui la question qui me trottait dans la tête ce midi, tandis que j'avalais quelques kilomètres en voiture pour rentrer chez moi. Est-ce que, profondément, j'ai changé en 14 ans ? Et si oui, qu'est-ce qui a changé ? A quoi ai-je renoncé par rapport à cette époque ? Quelles couleuvres ai-je du avaler ? Me suis-je renié sur certains points ?

Je suis alors arrivé à des limites bien compréhensibles, puisque je suis juge et partie. Difficile dans ces conditions d'être objectif. Néanmoins, oui, j'ai été obligé d'admettre que j'ai renoncé à certains combats, ne serait-ce que sur l'amitié. Je m'étais promis, à l'époque, de toujours me battre pour garder intactes ces amitiés. Je me disais que c'était la garantie de ne pas vieillir trop vite, et de ne pas devenir trop con, puisqu'on allait veiller les uns sur les autres. J'avais même, à l'époque, commencé une lettre que je voulais m'envoyer pour mes trente ans. Dans cette lettre, je voulais parler de tous mes amis et de l'importance qu'ils avaient pour moi. J'avais commencé à écrire deux pages. Je les ai toujours dans un coin de carton...

Mais très vite, la véritable question a été pour moi de savoir si j'étais profondément heureux. Je pense que si l'Estebàn de 20 ans venait me rendre visite, il me trouverait plutôt sympathique, et pas trop loin de ses idéaux. Face à moi-même, plus question de tricher. Mes choix de vie me rendent-ils heureux ? En suis-je fier (pas une fierté orgueilleuse, juste une fierté d'avoir accompli du bon boulot) ? En un mot, est-ce que je me sens à ma place ?

Pour le moment, la réponse semble être un oui, et c'est sûrement ça le plus important. N'empêche que, ponctuellement, mes anciennes amitiés, mon ancienne bande, avec sa légèreté, ses rires, ses soirées uniques, son sentiment d'éternité... tout ça me manque.

ça doit être ça de grandir. Enfin, il paraît...