De l'art de faire de la politique
Nelly Olion, la ministre de l'écologie, s'est dite hier "extrêmement inquiète" au sujet de Balou, l'ours slovène récemment lâché dans les Pyrénées, dont on ne retrouve plus trace.
Le Monde, 16 juin 2006
Je ne sais pas trop dans quel cerveau a germé l'idée saugrenue de réintroduire des ours en France. Peut-être était-ce à la fin d'une soirée très arrosée. J'imagine la scène. Ils étaient quelques-uns, et parmi eux, se trouvaient des gens influents. Ils avaient déjà débouché pas mal de bouteilles de bons vins pendant le repas, et là, ils en étaient à la Poire ou au Cognac. Ils avaient épuisé le stock de blagues salaces, tandis que les femmes faisaient la vaisselle. Et là, donc, c'était le concours de la pensée la plus crétine. Et l'un d'eux s'est écrié "et si on remettait des ours en France ?". Un silence est tombé, tout le monde s'est regardé, et puis a éclaté de rire, tout en se tapant sur les cuisses. N'empêche que l'un d'eux a tout de même écrit l'idée dans un calepin, l'air de rien, en se disant que ça pouvait servir...
Parce que bon, il faut avouer que cette idée est franchement idiote. Voyons les choses telles quelles. Les ours, comme beaucoup d'autres espèces, ont été massacrés dans notre pays. Quel est l'intérêt profond de les réintroduire ?
Je veux dire, pourquoi cette espèce-là précisément, et pas une autre ? On devrait bien trouver des tonnes d'espèces animales disparues à réintroduire, après tout. Certes. Mais l'ours, contrairement à la tanche de rivière ou à la limace des alpes, est médiatiquement intéressant. L'ours, c'est photogénique. Et puis l'ours, c'est notre enfance. C'est Paddington, c'est Nounours ("bonne nuit les petits"), c'est Bouba ("mon petit ourson")... Politiquement, ça en jette. Afin d'enfoncer le clou, il a fallu qu'on le baptise d'un nom d'ours (Balou, c'est le sympathique ours du Livre de la jungle). On aurait pu l'appeler Jean-Pierre, ou Rex... Mais non ! Il nous fallait du symbolique, alors, on l'a eu.
Alors, histoire de, on en a mis trois, d'ours, dans les Pyrénées. Bon. Et voilà t'y pas qu'un d'entre eux perd son collier émetteur (parce que, entre parenthèses, on ne peut pas les réintroduire, et leur foutre la paix. Il faut encore qu'on les piste, qu'on les surveille... enfin passons...). Et là, Nelly, notre gentille minitre se déclare "extrêmement inquiète". Ah bon ? Mais ma pauvre fille, il ne faut pas être si sensible. Si la disparition de la bestiole vous met dans un tel état, qu'allez-vous devenir quand vous allez apprendre qu'on déforeste à mort la forêt amazonnienne, qu'on est en train d'asphyxier notre planète à coup de bagnole ou encore que la banquise fond ?
Allez Nelly, remets-toi, et attaque-toi plutôt à de vraies problèmes.
Pendant ce temps, le petit NicolaS.S., notre bon ministre de l'intérieur, en visite dans le Vaucluse, qui a récemment été ravagé par un incendie, a déclaré qu'il "faut sanctionner et punir les incendiaires" et que "l'impunité dans ce domaine doit reculer". C'est bien Nicolas, ça ne mange pas de pain ça. Parce que je pense qu'on met tout le monde d'accord. Juste une question, Nico (tu permets ? On se connait bien maintenant...), qu'est-ce qui se passait pour les incendiaires avant que tu arrives ? On ne les punissait pas ? On leur offrait 20 litres de gasoil chez Total ? On leur offrait des briquets Bic ?